Les gens viennent à nos cours de yoga pour tout un tas de raisons. En tant qu’enseignant.e, nous pouvons jouer le rôle de coach sportif, de coach de vie, de prêtre, de thérapeute, de médecin,… auprès de nos élèves. Il est important d’en avoir conscience. Nos actions et interventions sont importantes et peuvent être dommageables. C’est pour cette raison qu’il est essentiel d’avoir conscient.e du processus qui a été à l’origine et qui nourrit notre vocation afin qu’il ne gêne pas notre enseignement.
J’emploie le mot processus parce qu’il s’agit d’une étude de soi continue (svadyahya en sanskrit) au cours de laquelle nous faisons preuve de curiosité et d’honnêteté envers nous-mêmes et envers notre humanité. Ici on ne cherche pas la perfection ou l’illumination. Mais nous explorons ce qui nous motive à enseigner et nous le faisons avec une grande compassion pour nous-mêmes. C’est en ça que nous devenons professeur.e.s de yoga.
Une partie de l’exigence de ma formation initiale de coach était de suivre une thérapie et une supervision. La supervision m’a ouvert les yeux sur toutes les manières insidieuses par lesquelles mon passé s’ingérait dans mes accompagnements. Or en tant que professionnel.le de l’accompagnement, nous devons essayer du mieux que nous pouvons de maintenir un espace neutre où notre inconscient n’entrave pas le processus du client. La thérapie personnelle est là pour nous aider à travailler sur notre passé.
En tant que coach, thérapeute ou professeur.e de yoga, nous créons et maintenons un espace pour les autres. La manière dont nous agissons est très influencée par notre processus personnel. Si nous recherchons la validation, l’amour, le miroir positif ou l’acceptation par nos élèves et nos clients, alors nos schémas de comportement guideront notre enseignement. Si notre enseignement est inconsciemment motivé par ces besoins non satisfaits, notre salle de yoga devient un espace où nous résolvons nos problèmes personnels plutôt qu’un espace sûr permettant à nos élèves de résoudre les leurs.
En effet, si nous recherchons la popularité ou l’amour afin de nous sentir accepté.e ou aimé.e, cela nous empêchera de prendre des risques ou de confronter nos élèves ou nos pairs de peur qu’ils ne nous aiment pas ou plus. Au fur et à mesure que nous abandonnons ce besoin, notre enseignement devient plus honnête et authentique.
Transfert et contre-transfert
Dans le cadre de la relation d’enseignement, il existe également un processus appelé transfert par lequel les désirs inconscients de l’élève s’actualisent sur la personne de l’enseignant.e.
Plus largement, un transfert se produit dès qu’une personne pense obtenir d’une autre une satisfaction dans le moment présent des besoins archaïques de son « enfant intérieur» qu’elle n’a pas eu en quantité ou qualité de son entourage.
L’élève, à son insu, déplace sur l’enseignant.e soit son affection (transfert positif) soit une hostilité (transfert négatif) ; ces sentiments divers sont en réalité une répétition d’affects éprouvés pendant l’enfance.
Dans l’enseignement, le transfert nait dès les premiers cours, lorsque l’élève s’imagine que l’enseignant va lui insuffler sa force et lui apporter des solutions à son mal être. Il devient une personne supposée savoir quoi faire pour aller mieux.
Le contre-transfert est quant à lui, l’ensemble des manifestations de l’inconscient de l’enseignant.e en relation avec celles du transfert de son élève.
Le contre-transfert se produit tout le temps. Nous sommes tous humains et notre passé influence nos perceptions présentes. Le yoga est une pratique qui nous aide à développer la conscience de soi afin de ne plus être encombré.e par notre passé. En tant que professeurs de yoga, il est de notre responsabilité d’être aussi présent.e que possible à nous-mêmes et à nos élèves. Avoir conscience de ce qui nous active est la clé pour enseigner avec clarté et intégrité.
Être soi-même accompagné.e est vital
Tout ce que nous faisons dans le cadre de notre rôle d’enseignant.e doit être au service de nos élèves. Nos besoins personnels doivent être satisfaits en dehors de nos cours de yoga.
Il n’y a rien de mal à désirer la validation, l’amour et l’acceptation, ce sont des besoins humains fondamentaux ! Pour autant, c’est dans nos relations personnelles et dans notre relation à nous-mêmes que nous devons satisfaire ces besoins.
Je crois sincèrement que si nous ne sommes pas engagé.e personnellement dans un travail d’auto-réflexion, il est très facile de tomber dans un enseignement guidé par notre inconscient.
L’année dernière, j’ai créé un groupe de mentoring et de supervision pour professeur.e.s de yoga. Mon intention était de créer un espace sûr afin que chacun.e puisse parler de son processus. Les participant.e.s ont pu exprimer leur soulagement de voir d’autres enseignant.e.s aux prises avec les mêmes problématiques et à quel point cela était encourageant d’avoir un espace ouvert et sûr pour pouvoir les affronter.
Lorsque nous sommes plus à l’aise avec nos peurs, nos vieilles blessures et nos fausses croyances, elles deviennent moins fortes. Si en revanche nous les repoussons car nous souhaitons apparaître au monde d’une certaine manière, nous limitons alors la richesse de ce que nous pouvons offrir à nos élèves. Plus nous sommes dans un espace d’acceptation de nous-mêmes, plus nous inspirerons nos élèves à s’aimer tels qu’ils sont.
Et si nous disposons dans nos vies d’un lieu où traiter ces sentiments, nous serons alors moins susceptibles de les laisser guider notre enseignement. Ils seront certes toujours présents, mais sur le siège arrière plutôt que sur le siège conducteur !
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